« I NEED TO LIVE » - L’exhibition sulfureuse de JuErgen Teller
L’exposition de Juergen Teller prend fin le 9 janvier 2024 au Grand Palais Éphémère. Nous avons pénétré pour vous l’univers surprenant, provocateur et sincère du photographe ayant révolutionné, par son approche, le monde de la photographie de mode et de la photographie artistique contemporaine.
Un génie de la photographie, en quête de la véritable beauté ?
C’est son approche révélatrice et iconoclaste de la photographie qui fait de Juergen Teller un photographe distinct de renom. Il est né en Allemagne en 1964, et émerge sur le devant de la scène artistique au début des années 90. Qualifié par certains de génie, il est reconnu pour son style provocateur et audacieux, qui se distingue souvent par son esthétique brute, son utilisation franche du flash et son rejet des normes traditionnelles de beauté. Son emblématique collaboration avec l’iconique créatrice de mode britannique Vivienne Westwood dans les années 90 a contribué à le faire connaître davantage. Teller continuera à s’associer à d’autres créateurs de mode, tels que Marc Jacobs, Helmut Lang, Jil Sander ou encore Rick Owens. Son travail de l’autre côté de l’objectif, ses images captivantes ont redéfini les attentes de la photographie de mode, en apportant une approche plus réaliste et décontractée tout en conservant une esthétique artistique spécifique. Indépendamment de la mode, Juergen Teller a réalisé d’innombrables projets artistiques personnels, ainsi que des expositions qui ont participé à consolider sa réputation en tant qu’artiste polyvalent. Provocateur et unique en son style, il influence le monde de la photographie et de l’art contemporain, faisant de lui une figure incontournable dans ces domaines.
Une invitation à la rétrospection, l’art de raconter une histoire.
Juergen nous convie à explorer son intimité à travers cette exposition. Après plus de deux ans et demi de recherche afin de conceptualiser sa plus grande exhibition jamais créée, le photographe est enfin prêt à nous laisser nous glisser dans son antre. La visite démarre sur une note laissée par Teller à l’attention du public. Il y raconte une visite en 2019, au Centre Pompidou, d’une exposition du peintre Francis Bacon, « la crème de la crème » selon lui et sa femme Dovil Drizyte. Ensemble, ils y découvrent que Bacon avait eu une rétrospective légendaire en 1971 au Grand Palais, après leur visite, sa femme lui a dit « Tu sais Juergen, un jour, tu auras une exposition au Grand Palais », il lui répondit « Ne sois pas stupide, c’est ridicule ».
Et c’est plein de modestie que nous le retrouvons au Grand Palais Ephémère.
Les premiers clichés que l’on peut observer, sont ceux de lui étant au berceau (photographié par son père), suivi par un extrait d’article relatant le tragique suicide de son père, puis d’une photo de sa mère entre les dents d’un crocodile.
« I Need to live » prend d’emblée tout sens dans l’esprit du visiteur. La famille est un thème fondamental pour Teller, en effet après avoir découvert une partie de son enfance ainsi que ses premières collaborations principalement dans l’industrie de la musique. L’artiste nous présente son épouse, mère de ses enfants et partenaire de création. Au cours de la visite des 10 000 m² que représente le Grand Palais Ephémère, il nous est possible de contempler plusieurs portraits familiaux ou romantiques, mêlés aux importantes séries de mode, ainsi qu’aux travaux personnels de l’artiste. Il finit même sur une touche d’humour où il met en scène sa fille Iggy née en 2023, en adaptant plusieurs de ses travaux les plus célèbres, comme celui de Björk et son fils, à sa fille et lui-même : comme étant une ode à la vie.
Notes About My Works series, London, 2021. - L’anti Glamour
Cette série photo, que l’on retrouve au cours de notre visite, représente la réponse assumée et ironique de Juergen Teller vis-à-vis des commentaires controversés qu’il a pu lire au sujet de ses portraits des nommés aux Oscars 2021. W magazine a consacré un numéro aux meilleurs acteurs et actrices, au total 28 acteurs ont été photographiés dans les rues de Los Angeles, des plus connus, aux talents fraîchement arrivés : de Michelle Pfeiffer et George Clooney à Steven Yeun et Otmara Marrero. Même si W magazine était ravi du résultat, les internautes n’ont pas tardé à faire connaître leur point de vue particulièrement nuancé. Teller fut tout de même salué comme « le choix idéal » du fait de « son aversion pour l’excès de glamour », mais il a également essuyé de nombreuses critiques qui faisaient une interprétation erronée de son ton ainsi que ses méthodes de travail. Cette série présente une sélection faite par Teller de captures d’écrans de certaines de ces « Notes About My Work », un miroir tendu aux réseaux sociaux et un rappel plein d’audace que la beauté est ce que nous voulons qu’elle soit.