L’inclusion et la diversité ne sont plus à la mode sur les podiums…?

Crédit photo: Vogue Business

Où sont passés les mannequins Plus Size ? Où est la diversité ? Aux oubliettes les discours sur l’inclusion ?

Le constat est alarmant. La dernière Fashion Week a été pauvre en termes de représentation de la diversité des corps. D’après Vogue Business, nombreuses maisons de mode ont compté 0% de mannequins Plus Size, même chez certaines qui prônaient des valeurs de tolérance et d’ouverture d’esprit. Pourtant, ces dernières années, on se ravissait des améliorations et on pensait l’avenir de la mode brillant. Ne s’agissait-il que d’un effet de mode ? En tout cas, l’heure est grave.

L’EFFET DE MODE EST PASSÉ, RETOUR À L’EXCLUSIF

On le sentait venir depuis un moment, l’effacement progressif des corps gros dans le milieu de la mode et la fin de la tendance des courbes gracieuses et des BBLs. En effet, l’année dernière, à l’occasion du Met Gala, Kim Kardashian annonçait avoir perdu 7 kilos en 3 semaines pour rentrer dans la fameuse robe de Marilyn Monroe. Celle qui écrit les tendances semblait alors avoir lancé un mouvement: le retour de la skinny girl comme norme de beauté.

D’après nos confrères chez Ancré, on expliquerait ce phénomène par le retour des tendances Y2K. On le voyait notamment avec le come-back de Diesel, cool kid des années 2000. Et il est vrai que les modèles de cette époque étaient des femmes blanches et minces. Les it-girls n’étaient autres que les fameuses Paris Hilton, Britney Spears, ou même Kate Moss. Marquée par des pièces phares telles que les jeans taille basse, les débardeurs et les mini-jupes, la mode des années 2000 était rigide et excluait totalement les corps qui faisaient au-delà d’un 34. Ainsi, qui dit retour des tendances Y2K, dit, apparemment, retour à l’exclusivité. Retour à ce qu’on appelle la skinny bitch era. Retour à l’imposition de normes de beauté irréalistes et qui s’éloignent du véritable reflet de la société. En 2016, la femme française portait en majorité du 40 ou du 42 et 40% des femmes portaient du 44 ou plus.

Crédit photo: Vogue Business

Crédit photo: Vogue Business

Lors de la dernière Fashion Week, les journalistes de Vogue Business se sont penchés sur la question, et ont analysé la représentation des mannequins Plus Size sur les défilés. Ils en ont profité pour tirer la sonnette d’alarme quant à la quasi-absence de diversité des morphologies.

Les chiffres sont inquiétants. Sur la saison Automne-Hiver 2023, les défilés de New York, Londres, Milan et Paris comptaient 0.6% de mannequins Plus Size (soit plus d’un 46) et 3,8% de mannequins Mid Size (entre un 38 et un 44).

On peut lire dans le dernier magazine Elle: « Semaine de la mode. Retour aux sources. Moins de shows, plus de style: à Paris, les créateurs ont tout misé sur l’essentiel, le vêtement ». L’inclusion était donc un moyen pour les marques de faire parler d’elles, de faire le « show » ? Intéressant.

Sale temps pour le monde de la mode, et le post Instagram de Law Roach était la goutte de trop. Styliste de renommée ayant travaillé avec des stars comme Zendaya, il annonçait sa retraite, la semaine dernière. En légende de son post, il dénonce les politiques douteuses de l’industrie de la mode. “S’il s’agissait seulement des vêtements, je le ferais pour le restant de ma vie, mais malheureusement, ça n’est pas le cas ! Les politiques, les mensonges et les faux discours ont finalement eu raison de moi.”


Le débat sur le manque de diversité dans la mode et le retour à l’exclusif est, alors, plus d’actualité que jamais. C’est à ce moment précis qu’Edward Enninful, rédacteur en chef du British Vogue, choisit de présenter sa couverture d’Avril 2023, avec deux mannequins Plus Sizes, et une mannequin Mid Size. Ce qui a le don de nous rassurer un peu. Juste un peu.

PALOMA ELSESSER, JILL KORTLEVE ET PRECIOUS LEE, NOUVELLES SUPERMODELS

Crédit photo: British Vogue

Elles espèrent devenir la représentation qu’elles souhaitaient avoir plus jeunes. Jill Kortleve, Precious Lee et Paloma Elsesser sont conscientes du rôle qu’elles portent. Tout au long du papier signé Janelle Okwodu, les supermodels se confient sur les étapes par lesquelles elles sont passées, leur rapport à leurs corps et leur impact dans l’industrie de la mode.

Le trio est unanime sur un point: c’est leur devoir de représenter les corps que les défilés ont si longtemps exclus. Elles appellent cela une “responsabilité privilégiée”.

Représenter la diversité des morphologies devrait se faire de manière minitieuse, d’après Kortleve. Elle déclare: “Représenter différents types de corps ne signifie pas juste avoir un modèle qui fait un 32 et un autre qui est un 46. Il faut aussi montrer ce qu’il y a entre les deux”. Elle qui est entre un 40 et un 42, se retrouve donc “au milieu de ce débat”.

L’article le précise. À l’ère où la rigidité des standards de beauté semble marquer son retour, les jeunes générations ont besoin d’avoir des modèles qui ont les pieds sur Terre, qui leur ressemblent, et qui résistent à la conformité. Et cela, les trois “supers” l’incarnent très bien.

« C’est plus qu’une image. Ce qu’on fait, c’est créer une référence »
— Paloma Elsesser pour British Vogue

La couverture paraît donc au bon moment, apportant un vent d’air frais qui nous permet de reprendre notre souffle après la dernière semaine de la mode. Toutefois, Okwodu nuance: “Catégoriser Elsesser, Lee et Kortleve comme la réponse de l’industrie aux mouvements de body positive et d’acceptation de soi serait une simplification excessive. Tant que la mode se repose sur des larges tendances culturelles, sa réponse peut être réactionnaire”. 

C’est malheureusement la conclusion qu’on peut tirer de ces récents évènements. Mélody Thomas, auteure et journaliste mode, exprimait dans son essai La Mode est Politique : “(…) Lorsqu'une crise frappe, la mode « retourne à la normale ». Un indicateur assez parlant de la place qu'occupe réellement l'inclusion des mannequins grosses dans l'industrie.” En d’autres termes, lorsque l’économie va mal, les mannequins issus de minorités sont les premiers à en pâtir.

Pour que l’on cesse de reculer, il faudra que l’industrie de la mode comprenne que représenter la diversité de la société n’est pas une tendance. Il faudra que les créateurs délaissent le diversity washing et prennent de réels engagements. En attendant, comme la réalisatrice Alice Diop l’a si bien dit lors de son discours aux Césars 2023: “On ne sera ni de passage, ni un effet de mode”.

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