Shein ouvre les portes de ses usines à des influenceuses

Pour la première fois depuis sa création en 2008, le géant de l’ultra fast fashion, Shein, a lancé le programme Shein 101 On The Road. 6 influenceuses américaines, spécialisées dans le bien-être, ont ainsi été invitées à visiter leurs locaux en Chine le mois dernier : une nouvelle opération marketing dont l’objectif est d’attirer toujours plus de consommateurs, mais surtout, de redéfinir l’image de la marque, entachée par plusieurs scandales.

C’est pour Guangzhou (Chine) puis Singapour, qu’ont embarqué Destene Sudduth, Aujené, Dani DMC, Fernanda Campuzano, Marina Saavedra et Kenya Freeman pour ce qui ressemblait à un voyage de presse organisé par Shein.

Hôtels luxueux, champagne offert à bord de l’avion et logos clinquants sur les valises de ses invitées : la marque de prêt-à-porter a mis les petits plats dans les grands. Les vidéos postées sur le compte TikTok de la filiale américaine Shein US, les montrent toutes se réjouir de découvrir les (pseudos) merveilleuses conditions de travail et les locaux de la société : « Je sens qu'ici les employées se sentent bien. Je peux rentrer chez moi, rassurée et confiante vis-à-vis de mon partenariat avec Shein », a notamment déclaré Dani DMC, se qualifiant même de journaliste d’investigation. 

Bien qu’on se croirait dans un épisode de télé-réalité, les influenceuses affirment ne pas avoir été rémunérées pour participer, mais ont toutes partagé leur expérience sur leurs réseaux sociaux, à leurs quelques centaines de milliers d’abonnés. « Ça ne ressemble pas aux grosses usines déshumanisées » commente l’une d’entre elles.

C’est précisément de cette étiquette dont Shein voulait se débarrasser, en dévoilant les coulisses de leur production à ses invitées. Mais dans un monde où les collaborations entre les marques et les créateurs de contenus existent, difficile de croire que leur avis est objectif.


Parmi les six américaines conviées à Shein 101 On The Road, deux, Kenya Freeman et Fernanda Campuzano, sont co-designer pour la marque. En mettant en avant l’ambiance conviviale qui règne au sein de l’usine, ou encore en qualifiant cette expérience d’unique, ces influenceuses dépeignent une réalité très différente de celle signalée par les ONG. On pourrait presque croire qu’il ne s’agit pas de la même société. Peut-être fallait-il préciser qu’une seule manufacture n’est pas forcément représentative des centaines d’autres…

Se sont-elles laissées convaincre par une mise en scène bien ficelée? Étaient-elles motivées par le voyage tout frais payé et les partenariats à la clé? Ou sont-elles ouvertement les complices de ce cache misère, visant à tromper les consommateurs et balayer les torts du spécialiste des vêtements à prix très cassés?

L’initiative n’a pas vraiment eu l’effet escompté et a été vivement critiquée sur les réseaux sociaux. Beaucoup d’internautes, dont l’avis sur Shein était déjà bien tranché, ont d’ailleurs blâmé les 6 créatrices de contenu pour avoir accepté l’invitation et participé à une nouvelle forme de promotion, jugée mensongère, de la marque qui n’a pas hésité à leurs témoigner son soutien.

La vérité derrière l’empire de la fast fashion

Accusée d’exploiter et de maltraiter le peuple Ouïgour, dont des enfants, Shein est de plus en plus pointée du doigt, notamment depuis la sortie, l’année dernière, du documentaire britannique Inside the Shein Machine : UNTOLD. Celui-ci dénonçait les conditions de travail des employés, qui restaient à leur poste jusqu’à 18h par jour, 7 jours/7, en étant payés seulement 3 centimes par vêtement confectionné. S’ajoute à cela l’impact environnemental absolument catastrophique qu’engendre l’entreprise chinoise. Chaque jour, ce sont plus de 6000 articles qui sont mis en ligne sur leur site internet, à des prix dérisoires invitant à la surconsommation. Et sa popularité ne fléchit pas : l’application Shein est la 2e plus téléchargée aux États-Unis, et occupe la 6e place en France. Avec ses 30 milliards de chiffre d’affaire en 2022, elle s’est imposé comme un leader en termes de fast fashion. Plusieurs boutiques éphémères ont même vu le jour aux quatre coins du monde, devant lesquelles des heures de queue s’agglutinait, preuve de l’engouement autour de la marque.

Un pas vers l’éthique ?

Après une déferlante de critiques et d’innombrables appels au boycott ces derniers mois, Shein semble vouloir s’engager sur la route de la rédemption. Une enquête sur les conditions de travail dans les usines de certains de leurs fournisseurs aurait par exemple été lancée. Sur le compte Instagram de Shein US, on peut lire que toutes les personnes employées par la société chinoise sont protégées par le Shein Responsible Sourcing, conformément aux lois de l’Organisation internationale du travail, qui assure notamment un environnement de travail sain et un salaire correspondant au double du minimum local. L’entreprise assure d’ailleurs avoir investi 15 millions de dollars pour améliorer l’équipement de ses usines. Côté écologie, la marque promet de réduire leurs émissions de carbone de 25% d’ici 2030, et de continuer à faire preuve de transparence concernant leur business model ainsi que l’ensemble de leurs activités.

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