Le défilé croisière Chanel confirme le statut mode de Marseille
Le 2 mai, Chanel accueillait une myriade d’invités pour son show Croisière 2024. Sur les hauteurs de la cité Radieuse du Corbusier, la maison française fait de Marseille, une ville fashion à part entière.
Chanel à Marseille, ce n’est pas juste un défilé. Le symbole est fort et marque une sorte de rupture entre le centre parisien et la Province. La maison de la Rue Cambon pose ses valises à Marseille afin de faire rayonner l’art sudiste. Plus qu’un show de 10 minutes, cet événement veut dire beaucoup sur la relation Paris-Marseille. Alors qu’on les croyait ennemies, elles semblent se lier davantage ces dernières années. L’une a toujours été au centre de l’attention et l’autre s’apprête à vivre son âge d’or.
Décryptage du défilé Chanel Croisière 2024/2025.
Des pièces iconiques, des tongs et du tweed
Chanel revisite ici ses plus grands classiques tels que le tailleur en tweed. On retrouve également les amoncellements de bijoux et de breloques sur les différents mannequins. Côté chaussure, Chanel confirme bel et bien la mode de la ballerine, qui est ici moins échancrée. Une sorte d’hybridité entre la ballerine et la derbies. Malgré un climat peu clément (et oui, dans le sud, il ne fait pas toujours beau !), les couleurs pastel ont rehaussé le décor grisonnant. Les broderies et les motifs sont inspirés de dessins d’enfant, car le défilé prenait place dans une cour d’école. Les détails étaient ludiques avec des canotiers et de petits nœuds. L’ADN Chanel était bel et bien présent.
Crédits photos @Tagwalk, © Le Corbusier, Unité d’habitation, Marseille © F.L.C. / ADAGP, Paris, 2024
Chanel proposait aussi des maillots de bain pour rendre hommage à la Méditerranée. Accompagnés de grandes capes aux allures nautiques, ils annoncent d’ores et déjà l’été. Mention spéciale aux sublimes broderies anglaises qui rappellent les vêtements en train de sécher au soleil.
Suite au défilé, la galerie de 19M s’installe le temps d’un printemps à Marseille au sein du fort Saint-Jean. Célébrant l’artisanat et le savoir-faire français, Chanel s’installe au sud de l’Hexagone et rebat les cartes de la mode parisienne.
Marseille, la nouvelle ville fashion ?
Chanel confirme ici l’important poids de Marseille sur la scène mode. Alors que Paris représente encore le centre de toutes les décisions, Marseille n’était autrefois qu’une simple ville de province. Aujourd’hui, cette image a changé. La cité phocéenne est symbole de cool, de talents émergents et de soleil. Il n’y avait qu’à jeter un œil aux invités : SCH, Akhenaton ( le chanteur d’IAM). Ces rappeurs français illustrent le mélange actuel de streetwear et de haute couture. La mode, milieu élitiste par excellence, touche un plus large public avec des ambassadeur.ices “plus populaires”. En somme, les rappeurs sont le nouveau cœur de cible. Pour attirer les foules et la jeunesse, la maison séculaire se doit de convier à sa table d’autres cultures. L’idée est de mêler identité bourgeoise et éclectisme. Qu’est-ce que cela traduit ? Chanel renouvelle son image et essaie de la rendre moins guindée. Rien de mieux que de placer au premier rang les personnalités les plus désirables du moment. L’after party du défilé était d’ailleurs rythmé par un concert de SCH. Un choc des cultures ultra-stylé !
Via cette esthétique nouvelle, Chanel n’est plus une institution poussiéreuse aux codes dépassés. Elle se renouvelle et prouve que porter du tweed n’est pas ringard !
Le réalisateur Ladj Ly a également filmé les décors du défilé, lui qui connaît bien les environs. Au côté de la troupe de danse LA HORDE, ils ont expliqué les raisons de leur attachement pour Marseille. En ouvrant ses horizons, la maison créée par Coco Chanel redore son blason et insuffle un vent de modernité entre ses murs.
Entre le concert de SCH et le défilé, les invités du prestigieux show Chanelo étaient reçus au Tuba Club. Cette décision n’est pas anodine, car Tuba Club est un des endroits les plus prisés des Parisiens et des Parisiennes. Situé aux bords des Calanques, Tuba Club est le symbole de la renaissance de Marseille. On y va pour son poisson frais et sa vue imprenable sur la mer. C’est le genre d’endroit que l’on note sur sa liste de vacances.
Marseille et les régions qui l’entourent ont été grandement popularisés via l’ascension de Simon Porte Jacquemus. Grâce à ses origines, le créateur a popularisé un mode de vie que les Parisiennes et les Parisiens ignoraient. Loin de la grisaille monotone, Marseille est un petit coin de paradis où règne pétanque, OM et labels en vogue. Avec sa stratégie de communication on point, Jacquemus fait régner en maître ce que l’on nomme vulgairement « LE SUD ». Sur Instagram, on peut le voir au Vélodrome chantant à tue-tête les chansons de JUL. L’été, il se réfugie en Provence faisant rêver tous ses followers de lavande. Même si ce n’est qu’un monde fantasmé, ce Sud-là plaît et attire Paris.
Un défilé critiqué ?
Malgré une jolie collection, on peut se demander comment une marque aussi bourgeoise que Chanel peut organiser son show en haut d’une cité ? Bien sûr, ce bâtiment du Corbusier n’est pas n’importe quelle cité. Elle représente un bijou de l’architecture contemporaine et doit être l’image d’épinal de plusieurs moodboards de designers. Pourtant, cet écart peut paraître antinomique.
Outre cet écart social, les looks aussi ont été quelque peu moqués. Par rapport à la vision de Karl Lagerfeld, la collection de Virginie Viard s’éloigne des critères du couturier. Le fameux compte de meme Ma Vie Dans La Queue De La Caf plaisante avec une archive de Coco disant : « Je trouve ça épouvantable ». On a pu aussi voir des mannequins arborant des tatouages, subtilité que Lagerfeld détestait.
Ainsi, entre héritage et modernité, il est parfois compliqué de trouver sa place. Avec ce défilé Croisière, Chanel confirme son statut de leadeuse avec des pièces intemporelles et une âme frenchy inébranlable.
