Se forger un style personnel à l’ère des micro-tendances
De la tendance “Old Money” à la tendance “Mob Wife”, les micro-trends connaissent un réel engouement chez les jeunes. Si elles démontrent l'intérêt que porte la génération Z pour la mode, elles révèlent également l’incapacité qu’éprouve cette jeunesse à définir son propre style.
Veste en fausse fourrure, accessoires bling bling ou robe sage monochrome à col bateau, sur l’application phare des jeunes, Tik-Tok, il suffit de “scroller” quelques secondes pour voir s'enchaîner des tonnes d’images illustrant des jeunes filles arborant différents styles vestimentaires. Après la tendance “Quiet Luxury” inspirée de la it-girl Sofia Richie Grainge qui avait fait fureur cet été, c’est au tour de la tendance Mob Wife, inspirée des personnages féminins des films de gangsters, de faire son entrée sur le devant de la scène. Remise au goût du jour par des célébrités telles que Kendall Jenner ou encore Hailey Baldwin Bieber, ce style, emprunté à des personnages comme Elvira Hancock (Scarface), Karen Hill (Les Affranchis) ou plus récemment Griselda Blanco (Griselda), vise, à mettre en avant, un charme et une audace assumée.
La difficile quête du style personnel
Ces tendances sont appelées micro-tendances et, comme le terme l’indique, se caractérisent par leur durée de vie extrêmement courte. Éphémères et permettant de jongler avec différents styles, elles ont, depuis quelques années, gagné en popularité au sein de la jeune génération qui voient en elles, le moyen de revisiter les codes de leurs aînés. Cependant, bien que le mouvement semble amusant, cet enchaînement rapide de style est révélateur de la difficulté qu’éprouvent les plus jeunes à se construire une identité vestimentaire claire et singulière. Ces changements de tendance soudain contribuent également à la surconsommation et poussent les consommateurs à se débarrasser rapidement de leurs vêtements et à se diriger vers des enseignes de fast-fashion, livrant des produits à très bas prix et de basse qualité. Dans une ère où les enjeux climatiques sont colossaux, cette manière de consommer soulève de multiples interrogations. Pour contrer les effets dévastateurs de la fast fashion en France, l’Assemblée Nationale a voté à l’unanimité, le jeudi 14 mars, un ensemble de mesures contre ces géants. Ces mesures sont proposées par la députée de Haute-Savoie Anne-Cécile Violland, membre du groupe Horizons, l'un des trois groupes de la majorité présidentielle. Parmi les mesures phares, le renforcement du système “bonus-malus” déjà en vigueur dans le secteur du textile. Pour les vêtements les plus polluants, les entreprises devront donc payer une pénalité. La pénalité reste encore à fixer, mais celle-ci pourrait atteindre jusqu’à dix euros par produit en 2030, avec un plafond de 50% du prix de vente. Un amendement a prévu des paliers pour atteindre ces dix euros, notamment un premier à cinq euros en 2025. A contrario, les entreprises aux effets limités sur l’environnement auront droit à un bonus, lui aussi plafonné à 50% du prix de vente. L'autre mesure clé est l'interdiction de la publicité pour la vente de vêtements à prix réduits, ce qui représente un revers pour une industrie habituée au marketing agressif.
Des conséquences sur l’industrie de la mode
L’impact des micro-trends ne se limite pas aux frontières des réseaux sociaux et des jeunes, en effet, elles influencent l'industrie de la mode dans sa globalité. Comme l’explique la styliste parisienne, Célia Stern (@celiastern),“les micro-tendances influent beaucoup sur la demande du client, que ce soit en édito ou en lookbook; Il faut rester à la page et faire attention aux nouvelles tendances, ce qui marche, ce qui plaît.”
S’inspirer tout en restant original
Alors, comment justifier cet enchaînement de tendances ? Et comment aider ces jeunes à se construire un style, tout en s’inspirant des tendances qu'ils apprécient ?
Crédits photos : Mélanie Mauro, Styliste Célia Stern pour Grazia Bulgarie
Pour la styliste Célia Stern (@celiastern), “ Il y a toujours eu des tendances à suivre pendant un certain temps.” Cependant, les réseaux sociaux ont joué un rôle d'accélérateur, “Il est vrai qu’aujourd’hui, avec les réseaux sociaux, les enchaînements des tendances se font de plus en plus rythmés. On est passé d'une tendance streetwear à une tendance old money puis à une tendance mob wife” indique la jeune femme. Pour ces jeunes, le changement de style peut également avoir un impact positif sur leur identité ainsi que sur leur personnalité. “C’est tellement différent qu’on a l’impression de changer de personnalité et de se recréer une identité” dit Célia. Pour la jeune styliste, nul besoin de définir un style précis, “Je trouve ça drôle, car je ne pense pas qu’il faut définir son style, je trouve ça intéressant d’explorer plusieurs styles et de choisir comment l'on va s’habiller en fonction de son mood. J’aime les personnes qui jonglent avec le style, qui osent et qui ne se limitent pas à un style. En tant que styliste, j'encourage même à ne pas se fermer.” Alors, pour jongler entre les tendances et explorer différents styles, la styliste recommande de miser sur quelques basiques que sont : le pantalon droit noir, un blazer, une chemise blanche, une paire de lunettes noires et la fameuse robe noire. “Si vous avez ces basiques, vous pouvez jongler avec n’importe quelle tendance ; il suffira juste d’accessoiriser ou d’assembler vos pièces avec d’autres pièces plus spécifiques à la tendance en question” indique Célia. Les marques Loro Piana, CQFD et Icicle sont recommandées par la jeune femme.
Crédits photos : Loro Piana
Crédits photos : Clara Hupé , Styliste léane Amr pour ROLL UP MAGAZINE
Pour la styliste Léane (@leaneamr), cet enchaînement de tendances “dénote de l’influence de la classe sociale dans la mode.” Pour la jeune styliste, ce sont des modes “adoptées par les 18-25 ans qui ont tourné sur les réseaux sociaux, “ces jeunes cherchent à revendiquer une certaine richesse/ classe sociale sans pour autant y appartenir.” Pour s’inspirer de leurs tendances favorites tout en se construisant un style personnel, la styliste recommande de “développer une garde-robe unique à soi-même et par la suite rajouter une ou deux pièces que l’on trouve et qui peuvent compléter une tenue tout en respectant la trend.” Il faut “avant-tout, être soi-même dans les vêtements pour éviter de tomber dans la fast fashion.”
En termes de basiques, Léane ne recommande pas de pièces spécifiques, “les basiques sont propres à chacun et nos styles.” Cependant, la qualité des pièces restent une nécessité, “ si on souhaite quand même jongler avec ces styles, on peut se tourner vers des pièces de bonnes qualités qu’on peut considérer comme des basiques, qui peuvent durer dans le temps pour qu’on puisse les ressortir dans plusieurs années, quand le cycle de la mode reprend son cours.” Pour garantir la longévité des vêtements, la styliste recommande de ne pas se tourner vers la fast fashion mais vers des sites tels que Vinted, qui proposent des pièces de qualité à petits prix. Les marques Pressiat, 8igb community et cowboys of habit sont des marques que Léane préconise.
Crédits photos : Edward Wendt Pressiat